Dans l’œuvre de Malargé, il semble que la pensée se fore un chemin à travers la matière.
Ainsi l’artiste part d’une série de pots avec leur motif bleu et rouge, épanoui et serein. Peu à peu, elle les dessine de plus en plus près, ne représente d’eux qu’un détail : la renflure du pot, ou sa courbe ou son anse, et l’objet se mue en plages charnelles, douces auréoles, sein, hanche ou flanc ; l’objet devient chair mouvante et la chair devient à son tour statique pureté, jusqu’au dernier stade de la vision : ventre bombé de la cruche devenu lumière blanche, délivrée de toute limite, pays de la transparence duvetée, pensée voluptueuse et pure – éclair – non plus forme mais surface traversée. Ou bien, en une autre démarche, Malargé s’insinue à l’intérieur de la forme, pénètre l’objet progressivement à travers son ouverture, son couvercle, comme à travers une oreille mais de là l’objet repart, reprend vie comme si à partir de son bord, à travers sa béance qui exige, qui attend, on basculait tout à coup dans l’illimité du dedans. C’est un univers où les frontières entre l’objet et le corps sont abolies sans que l’on puisse jamais définir l’instant où l’inanimé s’anime, et la merveille est que la plume de Malargé excelle à restituer le mystère de la vie et de la pensée dans ce qu’elles ont de plus fuyant, de moins visible : leur déroulement.